Donc il me faudra une calculette !
Brouillée avec les chiffres et les comptes
écœurée par le fric, sinon pour le claquer,
le flamber, le jeter par les fenêtres,
je hais les budgets, les banques et les banquiers.
Je n’aime compter que les pieds des vers,
les lignes et les signes d’une page,
les oignons et les carottes du pot-au-feu
et les graines de capucine à repiquer
dès le mois de mars dans la jardinière.
Nostalgique du troc, je serai « mal-eureuse »
et embêtante pour mon entourage,
comme déjà en France ou en Espagne :
fait combien, dis, ces escarpins, en francs belges ?
Mais en euros le pain quotidien, les tulipes ?
Je ne ferai pas plus d’économies
et les pauvres ne seront pas moins pauvres
quand circulera la monnaie unique,
monnaie cynique des grands enjeux économiques,
le pognon abstrait de la mondialisation.
Cassons les tirelires, dépensons les pensions,
oublions les comptes d’apothicaire,
n’épargnons rien, ni le temps, ni les picaillons
ni les forces, et encore moins la salive,
offrons-nous des livres, des cuberdons.
Sortons les bas de laine ! Rêvons maintenant !
Oublions la plus-value et le capital
et ne jouons plus jamais au Monopoly !
Préférons les échecs, les cadavres exquis !
À bas les bouliers compteurs ! Vive les conteurs !