Retour de Braunschweig.

Bruxelles, 22 heures, janvier 2014, gare du Midi.

Il fait froid, je me les gèle, je n’aime pas me les geler ; personne n’aime ça. L’air que j’avale me glace les poumons. Je râle depuis que je suis sorti du train, la tête bourdonnante et la gorge en feu, un poids sur la poitrine. Je suis un grand râleur. C’est une de mes spécialités. Je vais jusqu’à râler d’être un râleur aussi obstiné. Chaque respiration est un effort. Chaque pas en avant me pompe une énergie de dingue.

Je me sens vieux et sale. Ma barbe me démange, elle est trop épaisse : je devrais la raser. Mais ça ne me vient à l’esprit que quand je ne suis pas en mesure de le faire. Je songe qu’il faudrait que je mette un Post-it sur le miroir de la salle de bains sur lequel il serait mentionné « rase-toi ». Mais je n’ai pas de Post-it. Et je ne pense jamais à en acheter. Alors comment me souvenir d’acheter des Post-it si je ne me souviens déjà pas que je dois me raser ? M’écrire sur la main « achète des Post-it » ? Et puis quand je les aurais achetés, je ne me souviendrais plus pourquoi, jusqu’à ce que ma barbe me dérange à nouveau, et que je me redise de mettre un mot sur mon miroir le matin. C’est bien compliqué et bien hasardeux, mais ça finira bien par fonctionner. Tout finit toujours par s’arranger. Je le sais. Pas besoin de paniquer. Et pourtant j’angoisse à l’idée d’avoir si peu de maîtrise de mes actes. Il suffirait en fait que j’indique directement sur le miroir ou sur ma peau « coupe cette barbe ! » pour que le problème soit réglé. Pas besoin de Post-it.

C’est très simple finalement.

Je marche dans la gare. Je n’ai qu’une petite valise à transporter, mais elle m’encombre plus que si j’avais vingt énormes sacs à transbahuter. À nouveau, je me dis, je me sens, je me perçois comme un être périmé.

Et je me dis, c’est pathétique.

Et je dis, tout haut, c’est pathétique. Des gens se retournent et me regardent.

Je hausse les épaules ostensiblement. Il faut que j’aie l’air un peu fou pour rester cohérent. J’ai un siècle, j’ai plus d’un siècle, je suis sur cette Terre depuis des millions d’années et tout est toujours plus ou moins pareil, hormis quelques variations futiles et contingentes ; je voudrais rentrer chez moi, me changer, me glisser sous les draps froids de mon lit et m’endormir le plus vite possible, et le plus longtemps possible.

Je monte dans un taxi. La voiture sent le haschich. Les sièges sont sales, couverts de miettes. Le tissu est déchiré par endroits. Le chauffeur a les yeux plus rouges que les miens. Il me regarde dans le rétro, un peu méfiant, un peu menaçant. Puis il se détourne, ouvre la vitre de son côté, se penche un peu, fait une remarque à un de ses collègues, mais visiblement il me la destine aussi. Je ne comprends pas ce qu’il dit. Je ne comprends rien à rien, mes oreilles bourdonnent trop. Le mieux est donc de ne pas en tenir compte. Il fait une embardée en direction du chauffeur qui lui a répondu quelque chose qui ne lui plaît manifestement pas trop. Quelque chose qui concerne sa femme, ou sa mère, ou les deux. L’autre fait un bond de côté. Il aurait pu se prendre la voiture. Mon chauffeur, le regard mauvais, redémarre en trombe après lui avoir jeté un rire sarcastique ; il doit être contrarié. Ça ne me rassure pas vraiment mais je suis tellement épuisé qu’au fond je m’en fous, et même, j’essaie d’en rire. Ça calme mon angoisse. Si je dois crever maintenant, autant que ça soit en rigolant.

On roule maintenant. Le véhicule zigzague sur la route, passe sur les rails du tram, évite de justesse une dame entre deux âges qui traîne ses bagages trop lourds au mauvais endroit et le type me dit « ça se voit qu’elle n’est pas d’ici », comme si moi, je l’étais. En ce moment, je pense que je ne suis de nulle part, je reviens juste de Braunschweig, je suis exténué de fatigue et j’ai envie de boire, puis de sombrer.

Je suis cotonneux, je suis nerveux.

Drôle de cocktail.

On ne prend pas le bon chemin. Je le fais remarquer au chauffeur et ça l’énerve. Il me dit « je sais où je vais » et il accélère. Je le laisse faire. Après tout, c’est vrai, c’est son métier. Peut-être que c’est plus court ou plus rapide de le faire à sa manière. Devant l’adresse que je lui ai indiquée il freine brutalement, m’annonce le prix, exorbitant pour les quelques kilomètres parcourus.

Il a un air hors de lui, ses yeux sont passés du rouge au noir.

Je me sens soulagé d’avoir assez d’argent pour le payer, et surtout d’avoir eu la bonne idée de lui indiquer la rue d’à côté, pour qu’il ne sache pas exactement où je vais. Je le paie. Il me rend la monnaie, mais il se trompe et me rend trop de monnaie. Je me dis quelle aubaine, merde, et je sors du taxi précipitamment en prenant mon sac. Je le salue et il démarre sèchement, en faisant patiner les pneus du véhicule. J’attends qu’il ait tourné le coin de la rue avant de me remettre en marche. Je passe par le magasin de nuit, j’achète deux cannettes de bière, j’en ai besoin, et un paquet de chips au paprika, j’en ai besoin aussi.

Pourtant, je ne devrais pas. Ce matin, alors que ça ne m’était jamais arrivé, j’ai dégueulé tout ce que j’avais mangé, et dans les restes à moitié digérés de mes repas précédents, quelques filets de sang sont apparus. Ça a suffi pour me plonger dans un état d’angoisse terrifiant ; demain j’appelle le médecin.

Je rentre chez moi. Ma chambre n’a pas été chauffée. Je la retrouve comme je l’ai laissée, à l’identique, exactement, avec juste un peu de givre sur les fenêtres en plus. J’ouvre la vanne du radiateur au maximum. Immédiatement, un sifflement envahi la pièce, l’eau chaude s’insinue dans les conduites, dans les panneaux, l’acier atteint rapidement sa température idéale. Je me mets tout contre. Je reste quelque temps assis par terre comme ça. Une sensation de bien-être m’envahit au contact du métal. Je sens des frissons me parcourir de la tête aux pieds, j’en ai presque les larmes aux yeux. J’ouvre ma première bière, et je prends une première, longue, très longue gorgée. Il est tard déjà, minuit passé il me semble, et je ne sais pas trop quoi faire. Il faudrait que j’aille dormir, j’en ai d’ailleurs très envie, et je m’étais promis de le faire, mais je ne parviens pas à me décider. Alors je reste là, et je bois.

Et puis tout se brouille.

Il est à peu près 6 heures 30 quand j’ouvre les yeux. Je suis dans mon lit, dans un lit. Mon nez est glacé, mes yeux chassieux. Quelque chose cloche. La pièce dans laquelle je suis est beaucoup trop vaste pour être ma chambre. Tout est pourtant à peu près pareil. Les meubles sont plus ou moins au même endroit, mais ils ne sont pas exactement les mêmes, et l’espace est énorme comparativement à la petite pièce que j’occupe depuis quelques mois. Je me lève péniblement. Mes os craquent, mes genoux flanchent, ma tête est lourde, remplie de billes qui s’entrechoquent.

L’interrupteur n’est pas là où je pensais le trouver. Il est un peu à côté. Il ne fonctionne pas. Le radiateur est éteint. Il y a une sorte de sifflement bizarre. Je ne parviens pas à déterminer s’il est dans ma tête ou s’il vient de dehors. Mon cœur s’emballe, il bat violemment dans mes tempes, et ma tête chauffe. Je me sers de mon téléphone comme d’une lampe torche. Je regarde par la fenêtre. Tout est plongé dans un noir absolu.

Je me dis en rigolant, ça y est, c’est la fin du monde.

Je me dis en rigolant, il n’est pas trop tôt.

Il n’y a plus d’électricité, plus rien n’a l’air de fonctionner. Le froid est intense, le silence — hormis le sifflement en dedans ou en dehors de moi — est profond. J’ouvre la fenêtre et le bruit se fait plus fort. Ça vient donc de quelque part dans la ville, dans la nuit. Il y a des sirènes au loin. Il y a peut-être eu un accident quelque part. Une explosion ?

Je me recouche. Je songe que je vis là peut-être mes derniers instants. Ça me fait un peu peur, mais pas longtemps, parce que je suis prêt. Oui, je suis prêt. Je peux mourir. Je suis disposé à finir ma vie là maintenant s’il s’avère que c’est ce qui doit arriver. Ça ne me fait ni chaud ni froid. Je veux juste ne pas souffrir. Ça, ça m’ennuierait, mais si ça se passe vite, ma foi, ce n’est pas plus mal, je n’ai plus grand-chose à faire ici et je m’ennuie tellement.

Sur cette idée réconfortante, je me rendors, et vers 8 heures mon réveil sonne. Un bruit d’eau qui coule délicatement dans la rivière d’une forêt au printemps, une lumière qui s’intensifie progressivement, imitant le lever du soleil m’accompagnent. Maintenant l’électricité est revenue, et il semble que je ne sois pas encore tout à fait mort.

Mais il y a toujours quelque chose qui cloche.

Je ne suis pas dans ma chambre de bonne.

Je suis dans la chambre d’hôtel du Deutsches Haus à Braunschweig.

Je trouve ça étrange, c’est un peu inquiétant et anormal, alors que je me suis endormi à Bruxelles, mais je me souviens aussi que le petit-déjeuner est digne de mes rêves les plus fous, et je me sens rassuré à l’idée de pouvoir à nouveau m’empiffrer de tout ce qui y est proposé. Je me lève d’un bon pied. Je prends une douche rapide, les yeux fermés, m’imprégnant de la chaleur de l’eau qui coule sur ma peau. Je me regarde dans la glace, mes yeux sont rouges. Mes yeux sont rouges depuis des mois. Le manque de sommeil est devenu chronique, comme une habitude. Je ne sais même plus ce que c’est que de se lever en se disant « je suis reposé ». J’ai pourtant le sentiment, une fois n’est pas coutume, de ne pas avoir si mal dormi. Ma nuque est raide, mais je vais manger des saucisses ce matin, et pouvoir me resservir du café autant de fois que je le désire ; tout n’est pas perdu.

Je sors, je frappe à la porte de la chambre de A., mais personne ne répond. J’écoute, mais aucun bruit ne filtre. Je lui envoie un message : « je vais me faire péter la panse au petit-déj. » Je ne reçois pas d’accusé de réception. Son téléphone est sans doute éteint.

Il est peut-être encore profondément endormi. Je me régale d’avance de toutes les tranches de jambon, de fromage, de saumon, de toutes les boulettes et les fruits que je vais me prendre. Je savoure déjà mentalement le pain et le jus d’orange pressé en parcourant les couloirs qui sont vides, complètement vides. On dirait qu’il n’y a personne.

Les murs suintent en silence, la moquette est marquée par des pas nombreux : on dirait qu’une foule en exode est passée par là. Je me sens étrange, mal à l’aise, mais je me raccroche à l’idée du café fumant qui n’attend que ma bouche, mon palais, ma langue, mon estomac.

Le restaurant est vide lui aussi, mais il y a, à mon grand soulagement, des quantités de victuailles réparties sur trois énormes tables. Il n’y a personne, à part moi, pour manger tout cela.

Je m’installe à une table, et je me dirige ensuite vers le buffet, et je me sers allègrement, je prends un peu de tout. Depuis mon arrivée ici avant-hier soir je me suis passionné de saucisse au curry, la spécialité que l’on trouve partout dans les gares, les trains, les fast-foods en tous genres ; ici pas de curry mais du ketchup et de la moutarde. Je prends un paquet de chaque et je fais un petit mélange dans mon assiette, puis je déguste mon copieux petit-déjeuner. Un homme s’avance vers moi, il porte un uniforme, il me dit quelque chose en allemand, mais évidemment je ne comprends rien, et je lui réponds simplement que je parle le français ou l’anglais. Il me demande le numéro de ma chambre. Je le lui donne. Il me souhaite une bonne journée et un bon appétit.

Tout est simple, tellement simple.

Je me sens bien ici, et la fatigue me semble tout à coup moins pesante.

Je continue à grignoter un peu de tout et à boire du café. Je trouve tout à fait sympathique d’être seul ici, avec toute cette nourriture. Peut-être que je devrais déménager. Venir ici, demander un emploi dans le Stattheater. Apprendre l’allemand. Lire Thomas Bernhard dans le texte. Il faut que j’y réfléchisse sérieusement.

Je suis quand même inquiet de n’avoir aucune nouvelle de A. Avant-hier soir (ou hier soir ?) nous nous sommes pourtant donné rendez-vous au petit-déjeuner. J’essaie de l’appeler mais ça ne répond pas et je n’ai pas accès à sa messagerie. Ça coupe tout de suite. Peut-être qu’il s’est lui réveillé à Bruxelles tout à fait normalement, dans son lit, et qu’il continue sa vie comme si de rien n’était ? Je n’y vois pas très clair. Je décide de remonter dans ma chambre. Il faut que je quitte cet hôtel avant midi et que je retourne à la gare.

Je fouille dans mon sac, le billet de train est dedans. Je peux donc retourner ce soir à Bruxelles, et on verra bien ensuite ce qu’il se passe.

Je repense à la journée d’hier. À toutes les discussions que nous avons eues avec les dramaturges du théâtre, à toutes celles que nous avons eues A. et moi, et à mon épuisement qui a grandi tout au long de la journée. Dans le train de retour, je me sentais au bord du gouffre ; je me souviens m’être un peu assoupi. J’ai espéré que nous allions boire une bière au wagon bar, une dernière pour la route, mais A. n’en avait pas envie, et je n’ai pas insisté ; ce n’était pas raisonnable. Il est sorti précipitamment à l’arrêt juste avant le mien, pour rentrer chez lui plus rapidement. Ça m’a un peu surpris ; j’étais à moitié endormi, et j’avais très mal aux poumons, et puis j’ai pris un taxi, je suis rentré et puis tout est devenu flou.

Et me voilà de retour à Braunschweig, dans cette chambre d’hôtel.

Le lit quoiqu’un peu petit est très confortable. Je m’allonge et je m’endors rapidement. Des images étranges me traversent. Des souvenirs, des bribes des journées qui viennent de se dérouler mais avec quelque chose de flottant et d’indécis. Il y a le fast-food italien et les assiettes à composer, le plat de tagliatelles aux truffes, la pizza ensuite, le vin rêche et lourd qui m’a bousillé l’estomac. Il y a C. qui nous a accueillis à la gare, avec qui les conversations ont été pour moi compliquées parce qu’à moitié en français et à moitié en allemand. Il y a la honte qui s’est peinte sur son visage lorsque, parlant de la ville de Braunschweig, elle nous a appris que la « célébrité » (toute relative, certes) de celle-ci tenait pour l’essentiel au fait que c’est là qu’Hitler a été naturalisé Allemand en 1931 ou 1932. Il y a l’embarras quand elle a raconté l’histoire de cette comédienne homo qui a quitté la ville parce qu’elle n’en pouvait plus des sarcasmes et des remarques qu’on lui faisait.

Il y a tout cela qui se mélange.

Et je me sens un peu nauséeux. J’ai trop mangé, je pense. Et trop d’aliments différents.

Et puis, je ne sais pas pourquoi, je rêve que la terre a inversé le sens de sa rotation et que tout à coup le soleil lui tourne autour : le cycle des saisons, des jours et des nuits en est totalement bouleversé, l’impact climatique, économique, social est sans précédent, des millions de morts s’entassent dans les rues, des émeutes éclatent, un état de guerre permanent s’installe, c’est la lutte à mort. C’est à celui qui tirera de cette nouvelle situation le plus de profits et d’avantages.

Tout le monde semble perdre.

Mais tout le monde semble continuer à penser le contraire.

Ma tête, mon ventre tournent, mes jambes et mon front perlent. Je me lève précipitamment, parviens tout juste à atteindre la cuvette avant de rendre tout mon petit-déjeuner ; j’aurais dû m’en douter. Des morceaux indéfinissables flottent dans l’eau des w.-c. Et de çà, de là, comme hier (enfin l’hier d’aujourd’hui) ce que je pense être des filets de sang, mais cette fois accompagnés de quelques caillots noirâtres. Je m’interdis de paniquer. Je me dis « ce n’est rien », je me dis « lève-toi, tire la chasse, rince-toi la bouche, lave-toi les mains, sors de là, rentre chez toi et appelle un médecin ».

Je boucle ma valise assez rapidement. Je ne sais pas trop comment on se rend à la gare et cette fois je n’ai personne pour m’y emmener. Toujours aucune nouvelle de A. Je n’ai pas les coordonnées des gens du théâtre ; me voilà bien seul.

Je sors de l’hôtel, je tremble légèrement. Je hèle un taxi qui passe par là. Celui-ci sent tout à fait normalement : odeur de cuir et de plastique, typique d’une voiture achetée depuis peu. Il m’en faudrait une comme ça. Il me dépose à l’arrêt des bus. Je le paie, et je me dirige vers les quais. Il me reste anormalement beaucoup d’argent, je ne sais pour quelle raison.

J’attends mon train pendant une demi-heure environ, en ne faisant rien. J’attends juste, en essayant de ne pas avoir trop froid. J’ai mal au crâne. Je me regarde dans une vitrine, et je constate que mes yeux sont encore plus rouges que d’ordinaire. La pression sur ceux-ci est difficilement supportable ; ils me sortent du visage, je dois ressembler à un drogué. Je monte dans un des wagons, je m’installe et je somnole. Il y a six heures de trajet, je ne sais pas quoi faire de ces six heures ; je devrais les rentabiliser, lire ou écrire, mais je n’en ai absolument pas la force, et tout me semble terriblement vain.

Comme je suis seul, et que l’envie me reprend, je me rends au bar, je commande une grande bière et un plateau de saucisses au curry.
Je déguste tout ça, et je me sens mieux. Je scrute la réaction de mon corps ; il a l’air de tenir bon.

C’est sans doute que ce n’était rien. Ou alors juste le stress. Mais quand même, je reste inquiet.

J’arrive à Bruxelles vers 22 heures.

Tout est pareil à hier. C’est le même taxi embrumé qui me prend en charge. La même tension m’habite, je ne vais juste pas chercher de bières au magasin de nuit. Je me couche tout de suite, et je prie pour que demain je sois toujours dans cette chambre, la mienne, et que je puisse aller voir un médecin.

Mais non, je me réveille à nouveau au Deutsches Haus à Braunschweig. L’électricité est coupée. Puis elle revient. Je me régale au petit-déjeuner. Puis je reprends le train.

Tous les soirs je rentre à Bruxelles, exténué de fatigue ; et il y a ce taxi qui me prend en charge, ça sent le joint, et les vapeurs me montent à la tête. Et tous les matins je me réveille à Braunschweig, il y a le Stattheater et les saucisses au curry ; tout semble irréellement vrai. Tous les jours je fais à peu près la même chose, il y a quelques infimes variations, mais globalement, je suis poussé à faire les mêmes gestes, je me sens coincé dans ce fonctionnement, dans cette mécanique, je n’en sors pas. La seule différence est que dans les restes du petit-déjeuner que je rends, il y a de plus en plus de traces de sang, et qu’elles sont de plus en plus noires.

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