François Piquet n’en peut plus de cette ambiance de ni oui, ni non à la Konstitution.

Notre rendez-vous quotidien, cher auditeur de Fréquence Spatiale, vous a révélé hier que son collègue grec Tsaganos de la division 8 de la spatiale des Kommunautés casse du Turc toute la journée avec le très catholique Comte de Mâchicoulis.

Nous vous rappelons que, François, fils d’un instituteur des Cévennes et de la République a pagayé dur pour décrocher ce poste à Bruxelles.

Il voit d’un mauvais œil les critiques constantes que s’autorisent ses collègues pistonnées par leurs relations sociales ou la rareté de leur langue.

Il parle impeccablement le français, point. Lire la suite


Un vieil homme marche sur des gravats, aux côtés d’une mule dont il tient la longe. Un adolescent dépenaillé les suit. On n’entend que les sabots de la mule et, parfois, le son creux d’un bloc de béton déséquilibré par un de leurs pas. Ils doivent souvent contourner laborieusement un massif de buddleias aux fleurs mauves sentant la pisse. Des nuages de papillons noirs effarouchés les suivent alors quelques instants en désordre. Ils arrivent à ce qui a dû être un rond-point. Le vieil homme s’assied sur un muret effondré et la mule se met à brouter les herbes sauvages entre ses godasses. L’adolescent se juche sur ce qui reste du socle d’une statue et regarde autour de lui, la main droite lui protégeant les yeux du soleil trop blanc. On perçoit le ressac de la mer au loin. La mule les regarde tour à tour.

Le quartier est bouclé. On inaugure le Berlaymont. Sa deuxième transformation aura été encore plus épique que la première, à la fin du XXe siècle. Cette fois, on l’a surélevé de cent étages. En parlant de l’étage des commissaires, le cent treizième, on dit encore « le treizième ». Par habitude. Le Juste Lipse, en face, a été rénové il y a deux ans. Il compte aussi une centaine d’étages. On entend le grondement des manifestants, au loin. Je porte la carte magnétique qui ouvre les portes des bâtiments européens. Mon journal m’a demandé de couvrir l’événement de manière originale. Je me creuse la tête pour savoir comment. L’Union européenne est devenue la plus vaste zone de libre-échange du globe et les décisions que prennent ou ne prennent pas ses dirigeants restent inconnues du public même si nous, journalistes, tentons de l’en informer. Lire la suite


Ce qui manque à l’Europe, c’est le monde

Édouard Glissant

Passé le premier moment de stupéfaction qu’un acte d’un tel cynisme a pu causer, et faute de pouvoir, en l’absence de témoins du forfait, reconstituer son modus operandi (combien d’hommes ? dotés de quels moyens ? bénéficiant de quelles complicités ? est-ce un seul groupe ou une alliance de circonstance ?), il a bien fallu s’interroger sur les motivations précises des ravisseurs. Jusqu’ici, en effet, nulle revendication n’a été clairement exprimée ni répercutée ; et on doute même que des images viennent jamais montrer les ravages de la douleur et de la peur sur la captive, suppliant, dans un bouleversant appel à l’aide, que son calvaire s’achève : car aucune mise en scène ne saurait être assez retorse pour jouer avec les nerfs de ceux qui la verraient, tant la victime paraissait déjà démunie et ignorée quand elle était encore en liberté. Personne, à peu de chose près, ne semble du reste disposé à lui accorder plus d’attention ou de sympathie, maintenant qu’elle est retenue en otage. Lire la suite


Traversé par l’orage, charrue par la foudre, il s’exhausse

Dans le combat toujours recommencé avec la durée et le flux

D’une main dispensant la douceur et de l’autre le trouble

Coupés par l’éclair son visage, son corps et son cœur

Trahissent tour à tour la lumière et ses ombres

Sans jamais se défaire du poids de la destinée Lire la suite


C’est pile. Les jeux sont faits. Rien ne va plus. À la roulette démocratique, la bille s’est arrêtée sur la case du non, en France du mois. C’était avant-hier, et nous sommes déjà dans une autre ère. Il y a quelque chose de vertigineux dans l’irruption de ces dates toutes fraîches qui prennent aussitôt une allure de repère. Le 29 mai ouvre au surplus un cortège d’autres jalons qui s’échelonneront jusqu’à la fin de l’année prochaine, moment où il s’agira de faire le bilan de cette vaste opération, désormais largement compromise, de ratification de la première constitution européenne.

La France, une fois de plus, a dramatisé au maximum l’événement. C’est ainsi qu’elle se rappelle à l’attention du monde. Il y a belle lurette qu’elle ne joue plus un rôle objectivement majeur, mais elle compense ce recul par une subjectivisation exacerbée. Parce qu’elle est la nation du débat d’idées par excellence, qui va de la palabre accoudée au zinc aux états généraux de l’intelligentsia. Elle avait, de plus, du fameux grain à moudre : un texte largement pensé en français (ses principaux rédacteurs ont probablement, chose devenue rare, dû débattre dans la langue de Rousseau de ce contrat jugé par les uns trop social, par les autres pas assez), soumis au surplus, quant à la forme, à l’examen de l’Académie Française. Voilà donc un produit labellisé français rejeté par la France elle-même. Mais existe-t-il encore « une » France ? Lire la suite


À Huiskerque, une maison en miniature monte la garde sur le chemin pavé qui conduit les automobilistes familiers de ce raccourci à travers les dunes et les champs d’asperges.

Les habitants de la région l’appellent le « Pavillon des Douanes ». Grand-Père y a occupé la fonction de garde frontière entre la France et la Belgique, pendant toute sa carrière.

« J’ai été nommé le jour du grand Krach !, que le Grand Cric me croque… ! » s’esclaffait-il lorsque, enfant, je lui demandais de me raconter l’histoire de sa vie. Il m’emmenait alors par les anciens chemins de contrebande jusqu’à sa « deuxième maison ». C’est ainsi qu’il désignait le Pavillon des Douanes.

Arrivé à l’âge de la retraite, il transmit le poste à un jeune collègue boutonneux et arrogant. La nouvelle recrue écouta distraitement les dernières recommandations de Grand- Père. Dès que celui-ci prit congé, il s’affala sur la chaise, négligeant ainsi le premier conseil du vieil homme : la vigilance de chaque instant. Lire la suite